Tuer le père? pour le faire vivre...

Publié le par karlan

Papa,

 

Vingt ans plus tard, j’en suis au même point, à t’écrire. Simplement, je ne suis plus dans le même état d’esprit.

 

A 10 ans je t’écrivais des lettres de petite fille sage, qui avait déjà compris qu’il fallait taire sa souffrance et ne pas avouer ses faiblesses.

 

Si j’avais pu je t’aurais dit à ces moments là combien j’avais besoin de toi.

J’avais besoin que tu sois là avec moi,

j’avais besoin que tu sois là pour moi.

J’avais besoin de toi à noël, quand le père de mes frères leur offrait des cadeaux,

j’avais besoin de toi quand maman était en colère et que je n’arrivais pas à lui dire tout ce qui restait bloqué dans ma gorge,

 

j’aurais tant voulu que tu sois là pour lui dire que souvent ce n’était pas ma faute.

Je t’en ai beaucoup voulu, d’être dans les journaux, que mes camarades me montraient en m’enviant, et de ne pas être dans ma vie.

 

Je me disais que si tu avais été là, maman n’aurait pas pris deux boulots, et je n’aurais pas eu à m’occuper des mes frères toute seule. Certains après-midi, après l’école, entre le marché, la cuisine, le ménage, mes devoirs et tout le reste, j’étais si fatiguée, et si triste.

 

Si triste de voir maman rentrer encore plus fatiguée, triste de lire certains soirs sur son visage qu’elle n’en pouvait plus. Je me disais que je serai là pour elle et mes frères, mais que personne n’était là pour moi.

 

J’aurais voulu au lieu de l’argent que tu envoyais, que tu me prennes dans tes bras. Ce n’est pas toujours le cas pour un père africain, mais que tu me dises que tu m’aimes.

 

J’ai beaucoup attendu cela et sans que je le sache, cela m’a influencé.

Je t’ai cherché papa, dans mes professeurs à l’école.

Je t’ai cherché dans mes petits amis quand ‘étais ado.

Je ne m’intéressais qu’à l’inaccessible, à ce qui était perdu d’avance.

Comme avec le fol espoir que ça fonctionnerait, et qu’un espoir était possible que tu m’aimes.

 

Je t’ai cherché dans mon pasteur.

Quand je l’ai vu, il était vraiment toi, du moins, le toi que je recherchais.

J’ai donc adopté le comportement que j’avais toujours intériorisé, j’ai été impolie, froide, rebelle, attendant qu’il se désintéresse de moi, ce qu’il a souvent fait.

 

Mais à chaque fois, il revenait, me parlait du Seigneur et de son amour pour moi.

Il a toujours été là, quand je n’avais pas mes papiers, quand je m’inquiétais pour mes exams, quand je devais choisir mes options.

Il a toujours été là quand je cherchais du travail, quand je me sentais seule. Il a été là.

 

J’ai moi aussi essayé d’être une bonne fille, de faire ma part, de l’aider dans l’œuvre.

Mais j’ai toujours vécu avec une crainte, celle qu’un jour il me rejette, celle qu’un jour il m’abandonne, qu’il soit déçu de moi et qu’il me laisse.

C’est pourquoi je n’ai jamais pu lui dire mes faiblesses, ni lui avouer mes erreurs, j’avais peur de le perdre.

 

Hier, un incident s’est produit, minime, mais ça m’a blessé, plus que nécéssaire.

J’ai commencé à réfléchir et j’ai compris… qu’il n’était pas toi.

 

Je n’ai pas besoin de vivre avec cette crainte.

Je n’ai pas besoin de vivre avec cette angoisse.

 

Ce n’était pas ma faute si tu n’as pas été là, c’était la tienne

Ce n’était pas ma faute si tu n'as pas voulu de moi, c’était la tienne

 

Je n’ai rien fait de mal pour mériter ça.

 

J’ai été une enfant merveilleuse et formidable et j’ai fait la joie de maman, j’aurais pu aussi faire la tienne, si tu n’étais pas là, c’était ton choix et ta responsabilité.

 

Je n’ai plus besoin de culpabiliser pour quoi que ce soit.

 

Tu n’as pas été là c’est du passé.

 

J’ai une vie à vivre, un homme merveilleux à épouser et une famille à fonder.

 

J’ai un pasteur formidable, avec ses défauts

 

Et surtout, j’ai un père, qui est encore vivant, toi.

 

Avec tes défauts, et tes manquements.

 

 Il est temps de sécher mes larmes,

 

 le temps de pleurer sur ce qui nous a manqué est passé, voici venu le temps d’apprécier ce qui nous a été donné, de créer ce qui nous fait rêver et de combler les failles qui nous ont été laissées.

 

Bref de prendre ma vie en main.

Publié dans pensées

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